Entretien de Brad Stevens avec le Boston Globe

Brad Stevens, l’entraîneur des Celtics, s’est entretenu avec le Boston Globe lundi dernier. De nombreux sujets étaient au programme : la défaite de son équipe lors du Game 7 face aux Cavaliers, l’évolution de Jayson Tatum, la rééducation de Gordon Hayward, la free agency de Marcus Smart, et d’autres encore. Voici des extraits choisis par l’auteur de cet entretien.

Après avoir revu les images de ce Game 7 perdu face à Cleveland, pouvez-vous dire ce qui a causé cette défaite, hormis la présence de LeBron James ?

C’est curieux, parce que LeBron a été incroyable pendant toute la série, bien évidemment, mais si l’on regarde les chiffres, les points par possession, je trouve qu’on a plutôt bien géré sa présence. Son taux d’utilisation était très élevé, et on savait qu’il produirait ce genre de statistiques tout simplement car c’est le meilleur joueur du monde et qu’il était à un tel niveau de jeu, mais je trouve que nos gars se sont vraiment bien battus et ont très bien défendu sur lui. Ce n’est pas la défense qui nous a posé problème.

Y a-t-il quelque chose qui, sur les images, vous a semblé mieux réussi que sur le moment ?

Notre défense sur Cleveland, de manière globale. Je nous ai trouvés sacrément bons, probablement meilleurs là-dessus que contre Milwaukee au premier tour, peut-être encore meilleurs que contre Philly au deuxième.

Vous êtes passés si près des Finales NBA. Comment se remet-on de ça ?

Pour ce qui est des défaites, je dirais que je passerai à autre chose quand je serai mort. Pour moi, en tant que coach, c’est comme ça que je vis les choses : les défaites me rongent, me collent à la peau et sont autant de souvenirs qui perdurent. Les victoires aident à passer à autre chose. J’aimerais que ça se passe autrement, mais c’est un pouvoir que nous avons, celui de passer à autre chose. Planifier à nouveau, se remettre au travail, passer à l’étape suivante. Mais c’est clair que perdre une série, ça me ronge, et encore plus sur un Game 7, évidemment.

Comment se porte Gordon Hayward suite à sa deuxième opération afin de retirer le dispositif médical qui avait été inséré dans son pied gauche ?

Super, tout va parfaitement bien. Tout est OK et tout porte à croire qu’il reviendra aussi fort qu’avant. Avec le retrait de cette plaque, on espère qu’il n’y aura pas de douleurs. Donc en gros, à la mi-juillet, il devrait en arriver à ce stade, ce qui signifie qu’il devrait recevoir le feu vert complet des médecins durant la première quinzaine du mois d’août.

Avez-vous été inquiétés en apprenant qu’il allait devoir se faire réopérer ?

Nous connaissions les implications au niveau chronologique, mais l’idée, c’était de dire : « Écoute, si tu ressens une douleur et que cette opération est nécessaire, faisons-la tout de suite, OK ? » Il travaillait vraiment dur dans l’Indiana, il semblait vraiment bien revenir. Il était presque au niveau de pouvoir jouer en deux-contre-deux, trois-contre-trois… Mais il y avait cette petite douleur à l’arrière de son pied, et c’est pour ça qu’ils ont choisi de retirer la plaque.

On sait tous que vous avez un lien spécial avec lui. Était-ce dur de le voir lutter ainsi cette année ?

La blessure était terrible, vraiment, mais pour Gordon, ce n’étaient pas en termes de mois que c’était dur, je crois. Je dirais que c’était plutôt à tous ces instants durant sa rééducation, le fait que ce soit absolument tous les jours. Il l’a certainement ressenti comme ça : il était au cœur des choses et tous ses progrès n’étaient que des petits pas en avant, l’un après l’autre. Quand les gens ont vu une vidéo où il n’avait plus sa botte de protection, ils se sont enflammés. Mais lui avait porté cette botte trois mois ou un truc du genre. Il n’a pas vu les énormes progrès que tout le monde a pu voir, et je crois que c’était ça le plus dur dans l’histoire. Il rêvait de pouvoir jouer mais devait se rappeler que c’étaient tous ces tout petits détails, ces ateliers sans intérêt et ennuyeux, qui allaient lui permettre de revenir et faire ce qu’il savait faire. C’est pour ça qu’on dit toujours qu’une blessure est dure à encaisser pour un athlète de ce niveau. C’est dur de devoir être sur la touche, de ne pouvoir que regarder son équipe jouer, surtout dans ses circonstances à lui en ayant quitté sa situation dans l’Utah pour venir à Boston. Ça n’a pas dû aider, je crois.

Lorsque Kyrie Irving a appris en avril dernier que sa saison était terminée après une opération pour retirer le dispositif médical présent dans son genou suite à une infection, comment a-t-il réagi ?

Il était vraiment abattu, et il savait qu’il ne pouvait absolument rien y faire. Cette infection, c’était pratiquement un coup du sort. Lorsqu’il est revenu du All-Star Break, on a déroulé. À mes yeux, les sept matchs qui ont suivis ce break étaient peut-être les meilleurs depuis mon arrivée à Boston. L’équipe jouait vraiment bien, toute en synchronisation, et se sentait habitée par son objectif. Puis, à partir du huitième, c’est là où en gros Kyrie, [Marcus] Smart et [Daniel] Theis se sont retrouvés sur le flanc – jusqu’au retour de Smart pendant la série contre Milwaukee. Mais à cet instant, on ne le savait pas pour Kyrie. Mais, quand on a appris qu’il y avait une infection et que ça risquait de se répandre davantage dans sa jambe, il est devenu très clair pour toutes les personnes concernées qu’on allait devoir faire retirer ces vis et que ça signifiait la fin de sa saison. Je me rappelle qu’on était sur la côte Ouest, et que je discutais par SMS avec lui. Je sentais qu’il n’avait pas le moral, je me souviens qu’on a parlé, et je sais que c’était dur à apprendre pour lui avec tout ce qu’il a effectué comme travail.

Avez-vous commencé à penser à… Enfin, je suis sûr que vous avez déjà commencé à y penser, …

L’année prochaine ? Tout le temps.

Oui.

Oui, c’est quelque chose auquel je ne cesse de penser. Mais en même temps, je veux me consacrer pleinement à la draft cette semaine, aux jeunes qui joueront en Summer Leagues. Après ça, je commencerai réellement à réfléchir au jeu que nous souhaiterons produire l’an prochain, et pas seulement d’un point de vue théorique avec les rotations, parce qu’il faut d’abord vraiment voir tout le monde avant ça. J’ai déjà ma petite idée là-dessus, bien sûr, mais je pense que la draft et les Summer Leagues sont plus importantes pour le moment.

Votre rôle durant l’intersaison a-t-il évolué depuis votre arrivée ?

Elles se sont tous passées plus ou moins pareil pour moi. Dès que la saison se termine, Danny [Ainge] me fournit une liste de joueurs à surveiller, et je commence à prêter davantage d’attention à la fourchette dans laquelle on va drafter. Danny est génial car il inclut tout le monde dans le processus. Je crois que c’est ce qui rend le fait de bosser ici vraiment chouette, par exemple Danny va venir dans mon bureau, fermer la porte, et lancer une conversation sur ces prospects, ou alors une vidéo, puis il va me donner quelques noms à suivre sans me dire ce qu’il en pense. Et il fait pareil avec nos assistants vidéo. Il demande l’avis de tout le monde, même s’il a déjà certainement une idée assez précise de ce qu’il compte faire. Il y a des années où c’est plus clair que d’autres. Il y a deux ans, on savait qu’on prendrait Jaylen. C’était clair comme de l’eau de roche. Et Terry Rozier l’année d’encore avant, c’était plutôt clair aussi.

C’était sûr pour Terry plusieurs jours avant la draft ?

Un mois avant, même. Juste après la fin de notre saison à l’époque, je me rappelle que Danny est entré dans mon bureau et m’a dit : « Regarde Terry Rozier. » Rozier n’était pas prévu aussi haut, mais Danny était vraiment convaincu. Ça varie d’une année à l’autre mais on peut généralement deviner ce qu’il a en tête.

Qu’avez-vous pensé de l’évolution de Jayson Tatum ?

Je pense qu’il peut encore beaucoup s’améliorer. Il a été remarquable sur plusieurs points. En premier lieu pour moi, c’est sa résistance. Il a pris part à 99 matchs. La seule chose qui m’inquiétait à l’entame des playoffs, c’était la gestion de ses minutes. C’est un point sur lequel on a été très alertes, particulièrement à cause de sa petite baisse de régime en janvier. On a fait très attention à sa nutrition, ses programmes de musculation et d’entraînement. Vous pouvez poser la question à n’importe qui ici, et tout le monde vous dira qu’il a plus que répondu aux exigences dans tous ces domaines. Il est monté en régime au fil de la saison et a livré une année de très bonne facture. Mais il peut faire mieux. Il peut devenir encore meilleur en défense. Nous pensons qu’il peut s’améliorer sur ses coupes, sur les contre-attaques, sur ses pénétrations lorsqu’il y a du monde dans la raquette. Il peut devenir aussi fort qu’il le souhaite. Je pense que c’est le meilleur compliment que je puisse lui faire, parce qu’il est déjà vraiment fort.

Il a dit vouloir se renforcer physiquement.

Tout ce qui concerne le corps est vraiment important pour lui. Il est plus costaud que ce que pensent les gens, mais il peut encore s’améliorer. Je pense que le point le plus important avec les jeunes en général, c’est tout ce qui concerne la force, la forme, la nutrition, tout ce qui permet de renforcer sa ceinture abdominale et qui permet de jouer pendant plus longtemps en abaissant son centre de gravité, pas constamment debout et bien droit. Et c’est dur à accomplir pour les jeunes. Beaucoup d’intérieurs ont du mal avec ça, mais lui, c’est un grand ailier. C’est un vrai challenge pour lui lorsqu’il défend sur des gars comme J.J. Redick ou Kyle Korver.

Comment Jaylen Brown peut-il poursuivre son développement ?

Jaylen s’est beaucoup amélioré en défense cette saison. En attaque, il n’y a qu’à continuer sur la voie qu’il a commencé à emprunter. Il s’est amélioré au tir et dans pas mal d’autres petits secteurs. Il va devoir défendre [sur des arrières comme sur des ailiers forts] pour nous. En attaque, il va devoir devenir aussi efficace sur des [ailiers] que sur des joueurs plus petits, et bien apprendre à discerner où se trouve l’avantage qu’il possède. Il a été remarquable là-dessus cette année et s’est amélioré. Son tir doit rester une priorité, c’est ce qui débloquera le reste.

Y a-t-il quelque chose que vous ne saviez pas à propos de Kyrie, ou que vous aimeriez libérer chez lui ?

Il a un tel niveau de compréhension du jeu. Le jeu apparaît de manière vraiment claire dans sa tête, et on sait qu’il sera efficace, n’est-ce pas ? Donc je veux que l’on trouve les meilleures façons de l’utiliser des deux côtés du terrain. Je veux également qu’on améliore notre spacing pour lui, afin que les autres puissent profiter de sa présence. Sinon, j’ai trouvé que c’était un joueur qui cherchait les bonnes passes, qui essayait de trouver ses partenaires, qui donnait son maximum en défense, et qui a rentré des gros tirs toute l’année. Nous savions que c’était un joueur vraiment unique. Je trouve qu’il a juste un feeling d’exception pour ce sport.

Marcus Smart est agent libre restreint. Quel est votre avis sur ce dossier ?

En fin de compte, tout le monde ici veut voir Marcus Smart rempiler chez nous. Danny vous dirait la même chose. Plus qu’un basketteur, c’est un gagnant, et sa façon de jouer est contagieuse. La seule partie du travail du front office dans laquelle je ne m’implique pas et dont je ne sais rien, c’est celle qui concerne les montants, mais je sais que tout le monde veut qu’il reste.

Quid d’Aron Baynes, qui est agent libre non-restreint ?

Il a été super. Si tout le groupe est reconduit, ce serait génial. Tout le monde était soudé. Et bien sûr, on va rajouter deux très bons joueurs que l’on n’a pas eu toute l’année. C’est une situation assez unique. Mais Baynes a atteint et dépassé toutes nos attentes.

Traduction de l’article du Boston Globe « Q&A: Brad Stevens on Cavs loss, Hayward and Irving recoveries, and more » par Léo Hurlin