Danny Ainge évoque l’été des Celtics : « Je voulais que mon coach ait un groupe qui lui plaise »

La semaine dernière, Danny Ainge, président des opérations basket des Celtics, était présent au CitySpace de la station de radio WBUR. Il s’y est entretenu avec Shira Springer, une journaliste de WBUR.

Springer et Ainge ont évoqué ensemble le parcours de ce dernier en NBA, avec une carrière de presque 40 ans en tant que joueur, entraîneur, commentateur puis dirigeant. Ils ont également discuté de la déception qu’a été la saison dernière, l’ajout de Kemba Walker, la saison à venir, l’embauche récente de deux femmes (Kara Lawson comme assistante de Brad Stevens et Allison Feaster comme directrice du développement des joueurs).

Voici plusieurs extraits de cette conversation :

Springer : Kyrie Irving a exprimé de manière très franche les difficultés que l’équipe a rencontré l’an dernier pour se mettre au diapason. Il avait le sentiment que les plus jeunes ne se comportaient pas de façon très mature, que d’autres joueurs remettaient en question leurs rôles et leur temps de jeu.

Ainge : Je pense que l’an dernier a surtout été difficile pour mon coach, Coach Stevens, parce qu’il n’a pas eu un tirage facile à jouer. Kyrie avait été fabuleux l’année précédente, sa première à Boston, et puis comme chacun le sait, l’an dernier, de son plein chef, il a annoncé à tout le monde entier qu’il resterait aux Celtics à vie. Mais les choses changent, et elles ont changé pour lui. Pendant un an et demi, environ, il a reçu beaucoup d’amour ici. J’ai eu beaucoup de conversations avec Kyrie, je l’apprécie. Je suis reconnaissant de ce qu’il a apporté à l’équipe. Ce que l’équipe a vécu l’année dernière n’était assurément pas de sa faute seulement. Il n’était qu’un joueur parmi douze. Je pense que la difficulté qu’on a eu, c’est que l’équipe avait vraiment fait une très bonne saison l’année d’avant, sans Kyrie, sans Gordon Hayward. Tous nos jeunes ont reçu d’un coup beaucoup d’attention grâce à leur réussite, et ça a blessé Gordon et Kyrie. Je ne sais pas s’ils l’admettraient, Gordon l’a déjà fait. Pour des joueurs, c’est dur à vivre. Et maintenant, les jeunes comme Jaylen Brown, Jayson Tatum, sont là et veulent devenir All-Stars. Je me souviens que Jaylen est venu me voir à la cafétéria et m’a demandé : « Tu dirais que notre équipe est comment par rapport aux Celtics de 1986 ? » Je veux dire, c’est parlant, ils avaient de grands espoirs.

Qu’avez-vous dit quand il vous a demandé ça ?

Je lui ai demandé en retour : « Qu’est-ce que tu en penses, toi ? » Tout en me demandant s’il était sérieux.

Et donc, qu’est-ce qu’il en pensait ?

Il a commencé à comparer poste pour poste, en disant : « Je suis meilleur que toi, Kyrie est proche de Larry Bird… » Je crois qu’on aurait pu arrêter là. Mais je pense que ça montre bien ce qu’ils avaient en tête. Ils pensaient faire une grande saison, ils pensaient qu’ils seraient très forts, que tout marcherait… On y croyait tous. Mais en abordant la saison, j’avais beaucoup parlé avec Mike Zarren, avec Coach Stevens, et tous les trois on savait que ce serait compliqué.

On parlait de tout ça, on se disait que ce ne serait pas facile, avec Kyrie qui veut être MVP, Gordon qui veut faire le meilleur retour de l’histoire, il avait tellement bossé cet été-là après sa blessure terrible. Et puis ensuite on a deux jeunes qui disent clairement qu’ils veulent être All-Stars, on a Terry Rozier, Marcus Morris qui pensent à leur prochain contrat parce qu’ils ont été sous-payés jusque-là – et depuis longtemps dans le cas de Morris. Bref, il y avait trop d’objectifs individuels, ça a compliqué tout.

Tu arrives au training camp, tout le monde se bat pour sa place et généralement les choses viennent d’elles-mêmes. Les joueurs prennent leur rôle, jouent bien, gagnent leur poste et ça facilite la tâche du coach pour savoir qui prend ces minutes. L’an dernier, ça n’a pas été facile.

Est-ce que les événements de l’an dernier ont eu une influence dans la façon dont vous avez abordé la construction de l’équipe cette année ? Il y a eu une grosse recrue avec Kemba Walker pour remplacer Kyrie à la mène, mais tous ces problèmes d’entente au sein de l’équipe vous ont-ils fait davantage vous dire qu’il fallait recruter des joueurs en mettant l’accent sur leur personnalité ? On a lu çà et là que vos rookies sont de très bonnes personnes.

On pense toujours à la personnalité quand on drafte. La draft, ce n’est vraiment pas évident, on doit parfois choisir entre des jeunes de 23 ans ou de 19 ans mais avec un gros potentiel, entre des gars qui sont juste de bonnes personnes mais ont des qualités physiques limitées ou des gars qui ont un potentiel monstre mais sont un peu moins matures, et tout ce qu’il y a entre les deux. Donc le processus est très complexe. Mais comme on n’avait pas la possibilité de drafter tout en haut cette année, on a fait comme souvent et on a cherché de bons gars. On a pu en trouver qui, en plus, étaient de bons joueurs et qui correspondaient à nos besoins et à des rôles précis.

On a eu beaucoup de chance de signer Kemba lors de la free agency. C’est une personne remarquable. Mais honnêtement, tout au long de l’été, mon plus grand souhait était de faire en sorte que mon coach ait un groupe qui lui plaise. C’est le plus dur. Ça fait longtemps que je fais ça, et franchement… Il faut y prendre du plaisir.

C’est vraiment indispensable. Ça ne veut pas dire que chaque minute sera une minute de joie. Tout le monde a sa part de problèmes, tout le monde va rencontrer des obstacles, faire face à des épreuves au cours d’une saison, mais quand même : ça doit rester fun. Il faut avoir de l’enthousiasme pour trouver comment améliorer les choses chaque matin, et c’est primordial à mes yeux.

Pensez-vous que Brad est content du groupe qu’il va avoir sous ses ordres ?

Oui, je pense qu’il est vraiment impatient que ça débute. Il y a encore pas mal de zones d’ombre, on ne sait pas ce qu’il va se passer. C’est un groupe de joueurs nouveau, mais je crois qu’il l’apprécie vraiment. Il aime l’état d’esprit qui s’en dégage, il est content de voir que beaucoup de joueurs sont venus s’entraîner cet été – probablement plus que jamais en 17 ans que je suis ici. Beaucoup de gars sont venus, et on en aurait probablement eu encore plus sans la Coupe du Monde qui nous a pris six joueurs.

Vous avez quatre joueurs dans l’effectif de Team USA, et deux se sont retrouvés blessés. À quelques jours du training camp, la possibilité que des joueurs se blessent lors de compétitions internationales, ça vous évoque quoi ?

Avant tout, je pense que c’est une opportunité incroyable. Quand j’étais joueurs, j’ai pu affronter plusieurs fois les USA. Je n’ai jamais été dans l’équipe mais j’ai fait des matchs amicaux, et c’était un grand moment de jouer contre eux. C’était chouette de les aider dans leur préparation, à une époque où ils dominaient le monde entier sans merci. C’était une super opportunité, et je préfère toujours que mes joueurs jouent l’été plutôt que l’inverse. Je pense qu’on devrait en profiter chaque été quand c’est possible.

J’ai une anecdote là-dessus : j’ai joué avec Charles Barkley pendant trois saisons, et Charles a fini MVP en 1993. Coïncidence, cette année-là, il était dans sa meilleure forme. Il avait joué pour la Dream Team des JO de 1992, et en rentrant, il a gagné le trophée de MVP devant Michael Jordan. J’ai vu la différence en termes de condition physique, l’effet du passage par la case Dream Team.

Bosser dur, jouer en conditions réelles, travailler sa condition physique, jouer au basket comme il faut… Pour moi tout ça, c’est bien plus important que de chercher à éviter les blessures.

Cet été, les Celtics ont inscrit leur nom sur la liste des équipes NBA qui emploient une assistante coach. Vous avez embauché Kara Lawson, et maintenant vous avez également Allison Feaster, l’ancienne star de Harvard, de WNBA, qui va rejoindre votre staff de développement des joueurs. Qu’est-ce qu’elles apportent à la franchise ?

J’en ai beaucoup parlé avec Brad et Mike. Je crois que les femmes apportent une perspective différente, dans n’importe quel domaine. Si j’avais un panel de 15 personnes à constituer, je prendrais probablement 14 femmes pour m’accompagner. Au moins la moitié. Brad pense comme cela aussi.

Ma femme me conseille tout le temps, la femme de Brad est également son agente. J’ai le sentiment qu’elles ne voient pas les choses pareil. Et puis, on a beaucoup de joueurs qui ont été élevés par des mères célibataires. Mais je pense surtout, je crois même, que les hommes et les femmes ont des différences. Et elles apportent un regard différent sur les choses. Ces deux femmes que nous avons embauchées sont des personnes très, très brillantes, elles ont beaucoup d’expérience dans le basket, et je pense qu’elle apporteront des opinions très intéressantes au sein de notre coaching staff et de toute la franchise.

Traduction de l’article de WBUR.org « Boston Celtics’ Danny Ainge On Last Year’s Disappointing Season And Team Chemistry » par Léo Hurlin, crédit photo : Jesse Costa/WBUR