La montée en puissance de Jayson Tatum

Analyste NBA pour Basketball News, Nekias Duncan est un amoureux de la NBA et son sens du détail est très appréciable dans son analyse du jeu et de son évolution.

Dans cette traduction que nous vous proposons, Nekias Duncan analyse l’évolution du jeu de Jayson Tatum et comment la star des Celtics évolue dans son rôle de franchise player.

Les Boston Celtics sont en feu.

Ils détiennent la deuxième plus longue série de victoires encore active de la NBA, après leur 5ème victoire de suite face aux Lakers dans la nuit de Jeudi à Vendredi. Au cours d’une saison marquée par l’instabilité du roster – due aux complications du COVID, aux blessures, aux transactions ou autres – les Celtics semblent retrouver un certain rythme.

Jayson Tatum en est le chef de cordée, ce qui est légitime puisqu’il a lui-même dû faire face à cette adversité. Il doit encore surmonter les effets à long terme du COVID et a récemment révélé qu’il devait utiliser un inhalateur avant les matchs.

Cette saison a été difficile pour lui, mais les résultats sur le terrain parlent d’eux-mêmes. Il affiche des moyennes record en termes de points (25,6), de rebonds (7,1) et de passes décisives (4,2), tout en fournissant une défense solide sur porteur de balle et une défense élite non-porteur.

Si vous voulez voir où et comment Tatum s’est amélioré, ne cherchez pas plus loin que sa prestation contre les Lakers jeudi dernier.

Cela peut sembler bizarre de parler de ce match en particulier. Non seulement Tatum a présenté une performance modeste de 14-5-5, mais son coéquipier Jaylen Brown lui a également volé la vedette avec un chef-d’œuvre de 40 points à 17 tirs sur 20. Mais au milieu de la nuit spectaculaire de Brown, je me suis retrouvé captivé par les petites choses que Tatum faisait. C’est dans cette perspective que Tatum s’apprête à faire le saut le plus difficile de la NBA : passer du statut de star à celui de superstar incontestable.

SUIVRE SA PROPRE VOIE

Commençons par cette possession en apparence banale vers la fin du premier quart-temps. Les Celtics mettent en place l’une de leurs actions offensives habituelles en début de match. Tatum reçoit un écran autour de la ligne de lancer franc pour recevoir une passe above the break. Luke Kornet, le big stretch-adjacent qui a posé l’écran initial, « poursuit » Tatum pour déclencher un pick-and-roll haut.

Tatum sort de l’écran à son niveau. Il prend deux dribbles dans l’espace qui lui est offert par procuration par le « drop coverage » des Lakers. Avec Montrezl Harrell qui recule, Tatum se retrouve face à deux choix évidents : il peut s’arrêter subitement pour un pull-up, ou attaquer Harrell alors qu’il est déséquilibré et attaquer le cercle.

Il en choisit une troisième, effectuant un « in-and-out » sur son deuxième dribble avant de glisser une passe main gauche vers le corner opposé.

Cette possession ne mène finalement à rien, mais regardez l’avantage que Tatum crée. Arrêter son dribble et faire une passe à deux mains aurait permis à Dennis Schroder de revenir plus facilement. C’est la différence entre une possession qui s’arrête et Payton Pritchard qui est capable d’attaquer la ligne de fond et d’avoir une bonne chance de finir au cercle.

Le trésor caché de cette action est le fait que Tatum attende que Schroder se dirige vers la raquette avant de commencer son attaque. On peut se demander si c’est idéal, mais le fait qu’il identifie ce que fait le troisième défenseur (le défenseur de Tatum et le défenseur de l’écran seraient les deux premiers) est un signe de progrès.

À cet égard, Tatum n’est pas un manipulateur de défense du type LeBron James, James Harden ou Luka Doncic. Il se situe à l’autre extrémité du spectre : une star qui tire parti de sa capacité à scorer pour créer des opportunités de passes. Le premier style de star est plus facile à construire autour – c’est pourquoi ces trois joueurs constituent leur propre attaque et sont mieux équipés pour élever le plancher d’une équipe. Cela ne veut pas dire que l’autre voie n’est pas efficace.

Travailler à partir de cette école de pensée nécessite toujours un certain niveau de compétence et de vitesse d’exécution pour réussir. Comme Tatum a élargi son jeu vers l’extérieur – une différence non négligeable par rapport au prospect de mid-range de type Carmelo que nous avons vu à Duke – il a été en mesure de forcer les défenses à prendre des décisions plus longues et plus difficiles. Brad Stevens a également le mérite de permettre à Tatum d’attaquer avec des écrans plus hauts pour maximiser l’espace.

Tatum analyse mieux l’espace du terrain, c’est pourquoi nous avons vu une augmentation des passes en corner opposé de sa part. Et il ne se contente pas de mieux couvrir le terrain, il profite de ces ouvertures créées plus rapidement. Selon PBP Stats, Tatum est responsable de la passe décisive menant à 29 paniers en corner cette saison. Comparativement, la saison dernière, son total était de 24 (NDLR : 66 matchs joué la saison passé, 50 cette saison).

Bien sûr, les passes de Tatum ne sont pas sans ennuyeuses. Sa capacité à mettre les défenses dans des positions difficiles peut conduire à des passes réactives plutôt créatives.

La passe derrière le dos était vraiment magnifique. Mais encore une fois, je suis impressionné par le cheminement. Après l’écran initial, Tatum reconnaît que Kyle Kuzma essaie de le « ice » – ce qui signifie que Kuzma se positionne de manière à forcer Tatum à se diriger vers la ligne de touche.

Donc, Tatum devient funky. Il fait monter Kuzma avec un in-and-out et le met sur sa hanche avec un spin, puis attire les regards de trois défenseurs différents avant de lâcher sa passe.

TRAVAILLER LE MID-RANGE

Les passes de Tatum commencent à compléter son scoring, ce qui est évidemment une bonne chose. La partie encourageante, mais aussi effrayante, de l’évolution de Tatum est qu’il y a des opportunités faciles pour qu’il s’améliore en tant que scoreur.

Nous savons ce qu’il apporte en tant que shooteur à ce stade. Il est élite en catch-and-shoot et il est capable de créer son propre tir derrière l’arc. Le « drop-coverage » est pratiquement injouable contre Tatum lorsqu’il a le vent en poupe. Même en situation d’isolation, il est capable de faire un side-step à gauche ou à droite pour créer un tir légèrement ou carrément incontesté dès qu’il le souhaite.

La finition au cercle est en net progrès. Bien que sa proportion de tirs au cercle soit en baisse par rapport à la saison dernière, il est bien meilleur pour convertir les tirs près du cercle, selon Basketball-Reference. Il est devenu un peu plus habile au abords du panier, absorbant mieux les contacts et créant des fenêtres plus propres pour lui-même.

Le vrai facteur de différenciation pour Tatum, c’est ce tir juste ici.

Le floater de Tatum, ou son absence, est un sujet qui a déjà été abordé. Il est étrange qu’un joueur avec le toucher de Tatum ait eu des résultats aussi irréguliers avec ce tir tout au long de sa carrière. Ce manque de constance a rendu possible pour ses adversaire de créer un plan de match un peu plus facilement dans la défense du pick-and-roll : lui faire quitter la ligne de pénétration, se tenir en arrière au niveau du cercle et le regarder s’agiter.

Il y a eu certains cas où Tatum semblait mal à l’aise. Selon Synergy, Tatum a converti un peu moins de 41 % de ses tirs sur 71 tentatives. C’est un nombre modeste, mais une amélioration considérable par rapport à la saison dernière (30,2 % sur 86 tentatives).

Cette amélioration progressive a permis à Tatum de jouer certains des meilleurs basket qu’il ait jamais joué (30-9-4 sur les cinq derniers matchs). Comme il devient un scoreur plus complet, les défenseurs auront plus de choses à penser. Avec Tatum qui s’améliore en profitant de ces scénarios « choisis ton poison » en tant que passeur, ce n’est qu’une question de temps avant que les défenses ne soient à court de moyens pour le ralentir.

Traduction de l’article de Nekias Duncan « Jayson Tatum’s growth around the margins » par Robin